mardi 16 octobre 2007

Amendement ADN: pourquoi Sarkozy garde le silence

Habituellement fort disert, le Président ne s'exprime étonnamment plus sur ce sujet hautement polémique.

Nicolas Sarkozy à Bayonne en août (Charles Platiau/Reuters)

Président qui occupe l'espace médiatique mieux que tous ses prédécesseurs, qui réagit plus vite que l'ensemble de ses ministres, qui se justifie en affirmant qu'il a été élu "pour agir", Nicolas Sarkozy reste aujourd'hui étonnamment silencieux sur le sujet le plus sensible du moment: l'amendement ADN.

Tout juste a-t-il demandé "à chacun qu’il veuille bien s’apaiser", la semaine dernière depuis Moscou, après que Fadela Amara a semé la pagaille dans la majorité en qualifiant la disposition de "dégueulasse". Mais rien depuis que la polémique a pris de l'ampleur, silence total sur le fond depuis son interview télévisée du 20 septembre:

"Vous savez que ce test ADN existe dans 11 pays en Europe, dont certains sont socialistes, comme la Grande-Bretagne? Comment se fait-il que ça ne pose aucun problème dans ces pays, et que ça fasse débat chez nous? (...) Si vous me posez la question de savoir si ça me choque, la réponse est non."

Et son porte-parole David Martinon, interrogé lundi par Rue89, ne souhaite pas non plus divulguer de nouveau la position du chef de l'Etat. "Son avis, c'est que le Parlement doit faire son travail":


Pour la première fois, Nicolas Sarkozy laisserait donc le Parlement légiférer sans interférer, et entériner ce mardi l'amendement ADN au cours de la réunion de la Commission mixte paritaire. Lui qui n'a eu de cesse d'indiquer la direction à suivre aux députés UMP, que ce soit sur les peines plancher, le service minimum, ou toute autre loi votée depuis sa prise de fonction.

Nul ne saurait se plaindre que le Parlement retrouve enfin un rôle de premier plan. Encore faudrait-il que cette absence de prise de position relève d'une nouvelle logique et non d'une nouvelle tactique: polémique à l'horizon, courage fuyons.

Le ballon d'essai du lieutenant Mariani

L'arrivée même de l'amendement ADN dans le débat public entraîne quelque interrogation. Le député de la majorité Thierry Mariani, qui en est l'auteur, aurait-il été chargé de lancer ce ballon d'essai dans les médias? En cas de levée de boucliers, la disposition aurait simplement été abandonnée et Thierry Mariani encore un peu moins aimé.

L'exécutif a dû ici juger que les protestions -de scientifiques, d'intellectuels, d'artistes et de politiques- étaient trop importantes pour que le chef de l'Etat s'en mêle, mais suffisamment supportables pour que le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale monte au créneau pour défendre le texte. Brice Hortefeux, chargé au sein du gouvernement de donner des gages à la droite dure.

Il a fallu que Jean-Pierre Raffarin et les sénateurs UMP interviennent pour encadrer fortement les tests ADN et en limiter considérablement la portée à quelques centaines de cas par an. Reste le symbole. Peut-être le point le plus sensible pour le président de la République.

Nicolas Sarkozy n'avait pas inscrit cette mesure dans son programme présidentiel. Il ne se sent pas obligé de la défendre aujourd'hui. Le chef de l'Etat se souvient aussi de l'émoi provoqué par ses déclarations durant la campagne sur les liens supposés entre la pédophilie et la génétique. Autant de raisons de laisser le soin à d'autres de se salir les mains à sa place.



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