jeudi 28 février 2008

La hausse des prix fragilise les Restos du Coeur

Plus 20%, plus 30%... Les hausses des prix du blé et du lait mettent en péril les finances des associations caritatives.

Faim de repas à la soupe populaire - crédit : Flickr, photo de Thomas Salva
Faim de repas à la soupe populaire - crédit : Flickr, photo de Thomas Salva

Dans les associations caritatives françaises, on fait les comptes… et on s'inquiète. « On table sur une augmentation du coût des repas de 6%, mais on est peut-être un peu justes », confie Sébastien Brot, directeur de La Mie de pain, une association basée dans le XIIIème arrondissement de Paris, qui nourrit les plus démunis. Avec 130 000 repas distribués en 2007, la petite structure peine à accuser la hausse du prix des denrées alimentaires. « Nous ne payons que 1,5 euro par repas pour le moment, l'essentiel des vivres étant fourni par la Banque alimentaire. Si la hausse perdure un ou deux ans, on a des réserves, on a mis de côté les années précédentes, on tiendra. Mais si ça dure plus longtemps… » Le directeur d'une association qui survit depuis 120 ans se fait philosophe : « …eh bien, si ça dure, on trouvera un moyen. » Oui, mais lequel ?

Equation insoluble
Car du côté de la Banque alimentaire, fournisseur de plus de 4 000 associations partout en France, on voit à plus long terme. Si les dons de partenaires privés de la grande distribution ou de l'industrie agroalimentaire n'ont pas diminué, ceux de la « collecte grand public », qui se fait à la sortie des supermarchés, ont chuté de 3%. « La crise du pouvoir d'achat nous frappe de plein fouet : d'un côté, on a une hausse du nombre de personnes précaires, de l'autre, on a moins de dons, se désole Catherine Lasry-Belin, responsable de la communication. Et surtout, plus de 40% de de l'aide alimentaire que nous redistribuons nous vient de l'Union européenne. L'augmentation du prix des matières premières va forcément avoir un coût et se répercuter sur nous. » Quelles que soient leurs sources d'approvisionnement, les grandes structures en arrivent au même constat. « Tant que la direction des affaires sociales nous donne des subventions équivalentes, ça va », explique Xavier Vandromme, responsable pour Emmaüs des centres d'hébergement d'urgence en région parisienne. Mais si la Ddass ne suit pas… A la Croix-Rouge, on jongle avec les chiffres : 6 millions de repas distribués par an, 7 millions d'euros de subventions françaises, 50 millions venus de l'Union européenne et « une hausse des prix que tout le monde semble découvrir aujourd'hui, mais que nous constatons depuis plusieurs mois ! » Didier Piard, directeur de l'action sociale, ne mâche pas ses mots : « Dès l'automne, l'enveloppe consacrée aux produits céréaliers a augmenté de 30% ! Pareil pour les produits laitiers ! Alors, d'un côté, on nous recommande de mieux équilibrer les repas, mais de l'autre, on se retrouve avec de plus en plus de gens à nourrir ! » L'équation semble insoluble. « J'étais récemment à Strasbourg derrière le camion du Samu social, poursuit Didier Piard : les gens qu'on voit bourrer leurs poches d'œufs durs et de morceaux de fromage ne sont pas des SDF. Ce sont des retraités, des gens qui ont un logement, ou même qui travaillent, mais dont les revenus les obligent à choisir entre se nourrir ou se loger. Le problème du pouvoir d'achat se pose à nous dans les deux sens ! »

« On ne pourra pas nourrir tout le monde »
Au chapitre des solutions, certains tentent, comme la Croix-Rouge, de jouer le bras de fer avec les fournisseurs ou d'élargir les partenariats avec les grandes surfaces. « A Strasbourg, par exemple, on diversifie nos modes de récupération des denrées alimentaires grâce à un partenariat avec Cora. Ca nous fait économiser 4 à 5000 euros de produits frais pour les maraudes et les centres d'hébergement d'urgence », poursuit Didier Piard. L'idée : faire vite, récupérer des produits proches de la date de péremption et les distribuer rapidement. « Et pour éviter que les fournisseurs augmentent trop leurs prix, on fait régulièrement des appels d'offres. » Mais ça ne marche pas toujours. Chez Emmaüs, où les repas sont achetés à deux grandes sociétés de restauration, RGC et Cogerest,, on vient d'apprendre de RGC une augmentation de 7% des prix unitaires des repas (achetés un peu plus de 3 euros) en invoquant la hausse des prix. Toutes les grandes associations, de la banque alimentaire aux restos du cœur, se tournent surtout vers les pouvoirs publics depuis plusieurs semaines. A force de tirer la sonnette d'alarme, elles ont obtenus la tenue d'une réunion avec les ministères du Logement et de l'agriculture et de la Pêche sous quinzaine. Objectif : que la Présidence française de l'Union européenne leur apporte de nouvelles subventions. Sans quoi, « on ne pourra pas nourrir tout le monde », constate amèrement Didier Piard.


Marianne.fr

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