jeudi 28 février 2008

Le projet de Sarkozy sur la Shoah retoqué

Education . La proposition du Président a été jugée «inapplicable» par la mission ministérielle sur le sujet.
MARION MOURGUE
QUOTIDIEN LIBERATION: jeudi 28 février 2008

L’idée de Nicolas Sarkozy a vécu. Elle n’avait pas quinze jours. Le 13 février, au dîner du Crif, le président de la République affirme qu’à partir de la rentrée 2008 chaque enfant de CM2 se verra «confier la mémoire» d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah. La controverse est immédiate. Les déclarations s’enchaînent. Simone Veil, considérée comme proche de Nicolas Sarkozy et présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, juge alors «inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste la proposition de Nicolas Sarkozy».

Parrainage. Hier, au ministère de l’Education nationale, la mesure a été officiellement enterrée. Chargée par le ministre, Xavier Darcos, de la mission pédagogique pour la transmission de la Shoah, Hélène Waysbord-Loing a considéré que le projet du Président était «inapplicable» au sortir d’une réunion avec l’ensemble des membres du groupe de travail. Elle a même ajouté que ce terme de parrainage n’avait «pas été évoqué ni repris au cours de la réunion». Pour la présidente de l’Association de la maison d’Izieu, les choses sont claires : «Il ne faut pas faire de la commémoration, du rituel, parce que l’école n’est pas le lieu de cela. L’école est le lieu où l’on construit un savoir, où l’on apprend aux élèves à rechercher, à enquêter.»

L’historien et cinéaste Claude Lanzmann, lui aussi membre de la mission, est allé encore plus loin. Selon lui, le parrainage d’une victime par un élève ou par une classe était «enterré avant même qu’on se réunisse, ce n’était pas praticable car il y a 11 500 enfants juifs de France et 600 000 élèves en CM2».

Même les soutiens des premières heures se sont affadis. Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et des filles des déportés juifs de France, avait dans un premier temps approuvé les déclarations du chef de l’Etat. Hier, il s’est montré beaucoup plus nuancé : «Les 11 000 enfants juifs doivent entrer dans la mémoire des écoliers par un travail collectif.»

Dans ce contexte, le ministre de l’Education nationale a tenté de faire bonne figure : «Le président de la République a donné une direction. A nous de la transformer en projet pédagogique.» En clair : transformer en mesure acceptable et acceptée des enseignants, des parents d’élèves, des historiens et des psychologues ce qu’il reste de la déclaration initiale de Nicolas Sarkozy.

«Consensus». En fin de journée, sur RTL, le ministre a précisé que le projet initial de Nicolas Sarkozy se «ferait dans le contexte d’une classe et non pas d’un élève séparé qui devrait porter seul la mémoire d’un enfant particulier». C’est le souhait qu’avait émis, quelques heures plus tôt, Simone Veil. Sollicitée par Xavier Darcos pour être membre de la mission, elle a demandé la mise en place de «travaux qui permettent aux enfants de se grouper dans une classe non pas vers un enfant en particulier mais vers telle situation dans telle ville».

A l’Elysée, on a cherché à limiter la casse. Dans un communiqué, le porte-parole, David Martinon a fait savoir que Nicolas Sarkozy «constate qu’après les polémiques soulevées par sa proposition», il existe un «consensus très largement partagé» sur la nécessité de mieux enseigner la Shoah.

Les membres de la mission doivent se revoir dans deux mois. D’ici là, le ministre de l’Education nationale les a chargés «d’élaborer un document de référence qui pourra être remis à tous les enseignants». Pour François Hollande, premier secrétaire du PS, qui dans un premier temps avait salué l’initiative de Sarkozy au dîner du Crif, c’est la preuve «qu’on est revenu à ce qui n’aurait jamais dû être différent : un travail par les enseignants, dans le cadre des programmes existants».


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