mercredi 19 mars 2008

Silence, on joue


Avec la répression au Tibet se pose la question de la participation aux Jeux olympiques.
Gérard THOMAS
QUOTIDIEN : mercredi 19 mars 2008

Le malaise lié à l’organisation des Jeux olympiques à Pékin, du 8 au 24 août, est attisé par les manifestations contre la répression qui s’est abattue depuis une semaine sur le Tibet. Un millier de personnes s’est par exemple rassemblé hier devant le siège du Comité international olympique (CIO) à Lausanne, en Suisse, aux cris de «Arrêtez les meurtres au Tibet!»

Le monde politique est désormais mis à contribution par les défenseurs des libertés publiques. Ainsi l’organisation Reporters sans frontières (RSF) demandait-elle hier aux chefs d’Etat de boycotter la cérémonie d’ouverture des JO afin de protester contre les violations des droits de l’homme en Chine et la répression au Tibet. Un boycott de l’ensemble de la compétition «n’est plus à l’ordre du jour» car cela mettrait «les athlètes dans une situation impossible», affirme RSF. Mais Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, a indiqué en réponse que cette proposition «ne rencontre pas le soutien du gouvernement français», ajoutant toutefois qu’il n’était pas exclu que l’Europe «se concerte».

Honneur sauf. Les Américains de Human Rights Watch (HRW) appellent pour leur part les dirigeants de la planète à réfléchir à deux fois avant d’aller à Pékin. «C’est une chose de ne pas souhaiter un boycott des JO par les athlètes» mais les représentants des gouvernements étrangers «doivent exiger une amélioration des autorités chinoises avant de venir aux Jeux», a ainsi estimé à Tokyo Kenneth Roth, l’un des responsables de l’ONG. Autant de déclarations qui sauvent l’honneur tout en ne mangeant pas de pain.

Comme le monde du sport, la plupart des dirigeants politiques mondiaux a clairement pris position contre un éventuel boycott des Jeux. L’Allemand Gert Pöttering, président du Parlement européen, s’est bien demandé hier si le voyage à Pékin était «une attitude responsable» au cas où la répression aurait encore lieu. Nul doute que Pékin saura étouffer d’ici cinq mois les protestations des Tibétains. Il sera alors redevenu «responsable» de faire le déplacement…

Pires heures. Les entreprises internationales pourront pour leur part continuer à tirer les juteux bénéfices des contrats signés à l’ombre des podiums. Le président américain George Bush lui-même a annoncé qu’il se rendrait à Pékin en août pour assister aux épreuves. Il a toutefois promis qu’il évoquerait à cette occasion la question des droits de l’homme avec les autorités chinoises. Difficile à ce stade de ne pas se remémorer la Coupe du monde de football organisée en 1978 en Argentine, aux pires heures de la dictature du général Videla (20 000 morts et disparus entre 1976 et 1980). Toutes les délégations et les journalistes les accompagnant s’étaient rendus sur les rives du rio de la Plata les droits de l’homme à la bouche, avant d’entrer silencieusement dans la ronde de la compétition fort opportunément remportée par le pays hôte.

Hier, la situation à Lhassa, ville fermée aux médias internationaux, semblait calme. «Nous avons la preuve que la clique du dalaï-lama a fomenté les troubles pour saboter les Jeux olympiques», assurait le Premier ministre chinois Wen Jiabao. De sa retraite à Dharamsala, au nord de l’Inde, le chef spirituel des bouddhistes tibétains affirmait qu’il n’avait pas de prise sur les violences et menaçait de quitter sa charge si la situation se dégradait davantage. Il a par ailleurs réaffirmé que l’indépendance du Tibet n’était «pas à l’ordre du jour» et qu’il souhaitait «bâtir de bonnes relations avec les Chinois».

Les Jeux sont presque déclarés ouverts.


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