jeudi 15 mai 2008

Les enseignants se mobilisent pour tenter de faire plier Xavier Darcos

La participation des enseignants à la journée intersyndicale d'action dans la fonction publique pour la défense de l'emploi et des retraites, jeudi 15 mai, s'annonce massive. Les enseignants protestent contre la suppression de 11 200 postes à la rentrée et la politique éducative du gouvernement. Le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, a fait savoir qu'il attendait en moyenne 63 % de grévistes dans les écoles.

Que vaudront-ils ? La participation aux grèves dans l'éducation suscite les mêmes controverses que l'affluence aux manifestations. Les estimations du ministère et des syndicats varient parfois du simple au double. La querelle de chiffres est ancienne.

Le 20 mars 2007, lors d'une journée d'action contre le décret réformant les obligations de service des enseignants, la participation des professeurs à ce mouvement avait été évaluée à 17 % par le ministère, à 38 % par le SNES-FSU. Le 24 janvier, date d'une précédente journée de grève dans l'éducation, les syndicats annonçaient 53 % de grévistes dans le primaire et 55 % dans le secondaire. L'estimation du gouvernement était de 38,5 % dans le primaire et 35 % dans le secondaire. Interrogé sur cet écart, le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, avait alors promis de donner "à l'unité près le nombre de grévistes" après recension des retenues sur salaires. "On verra, évidemment, que les vrais chiffres sont ceux du ministère", avait ajouté M. Darcos.

Ces "vrais chiffres", rendus publics le 22 mars, sont en deçà des estimations initiales : 29 % de grévistes dans le primaire et 21 % dans le secondaire. "Les retenues sur salaires sont l'indicateur le plus précis et le plus performant du nombre effectif de grévistes", indique-t-on à la direction générale de l'enseignement scolaire. Les syndicats ont immédiatement objecté que le ministère calculait la proportion de grévistes en fonction de l'effectif total, et non des seuls enseignants qui devaient faire cours le jour de la grève. "Tous les enseignants en collèges et lycées n'ont pas cours le jeudi, sans compter les congés maladie, les gens partis en voyage scolaire, etc.", a fait valoir Roland Hubert, secrétaire général du SNES-FSU (majoritaire).

RETENUES SUR SALAIRES

En publiant ces chiffres, M. Darcos a voulu démontrer que les syndicats mobilisent moins qu'ils le prétendent. Plusieurs raisons expliquent toutefois une partie de l'écart constaté, à commencer par la rigueur des retenues sur salaires. La loi prévoit que l'absence de "service fait" donne lieu par journée à une retenue d'un trentième du traitement mensuel de l'enseignant. Il suffit d'une seule heure de grève sur ses obligations de service pour qu'un enseignant se voie retirer une journée de salaire. Dans une profession dont Nicolas Sarkozy lui-même dénonce l'insuffisante rémunération, on peut penser que 30 % de grévistes effectifs portent le message d'une proportion plus grande de personnels "sympathisants".

Face au "tout ou rien" des retenues sur salaires, il arrive que les grévistes déclarés établissent entre eux une sorte de roulement, d'une journée d'action à l'autre. Pour la même raison, d'autres enseignants peuvent être favorables au mouvement sans y participer formellement. Dans le secondaire, les professeurs qui ne sont pas de service le jour de la grève évitent, sauf zèle militant, de perdre une journée de salaire.

Cet argument ne tient pas pour le primaire, où les professeurs travaillent tous les jours. D'autres raisons sont avancées. Même le plus militant des syndiqués ne fera pas grève s'il accompagne une classe de neige. Il faut également tenir compte des temps partiels ou des périodes de formation.

Les jours de grève représentent une économie substantielle de masse salariale. Treize millions d'euros - 6 dans le primaire et 7 dans le second degré - ont été réalisés le 24 janvier. Dans le primaire, cette somme a été partiellement utilisée pour expérimenter le service minimum d'accueil, qui est financé par les retenues sur salaire. Le ministère espère que 2 300 communes joueront le jeu le 15 mai, contre 2 023 en janvier. Sur ce point comme sur d'autres, M. Darcos entend montrer qu'il peut bousculer les syndicats.

Luc Cédelle et Catherine Rollot
Article paru dans le Monde du 15.05.08

Aucun commentaire: