mardi 10 juin 2008

Et entre Laurent et Martine, c’est du sérieux ?

Parti Socialiste. Le rapprochement Fabius-Aubry fait des heureux et des sceptiques.
DAVID REVAULT D’ALLONNES
QUOTIDIEN : mardi 10 juin 2008

Alors que la tendresse, à l’approche du congrès, affleure par tous les pores du PS, une nouvelle idylle émeut les rangs socialistes : celle entre Laurent Fabius et Martine Aubry. Une jolie romance, née dans l’écrin des reconstructeurs, ce nouvel alliage où prennent place amis de Dominique Strauss-Kahn, d’Arnaud Montebourg, et donc de l’ancien Premier ministre et de la maire de Lille. Leur réunion, dimanche 1er juin, fut l’occasion de le constater : entre sourires complices, mots doux susurrés à l’oreille et éloges appuyés du premier, qui désormais voit en la seconde «une personne de grande expérience doublée d’un grand talent», Laurent et Martine, c’est du sérieux. «Il y avait une telle envie d’être ensemble que c’en était impressionnant, lâche, la larme à l’œil, Claude Bartolone, premier lieutenant de Laurent Fabius. Il y avait une espèce de magie…»

Jaloux. L’affaire, à en croire les amis du député de Seine-Maritime, n’aurait rien d’une passade. Claude Bartolone, encore: «Martine a un certain nombre de fées penchées sur son berceau. C’est une femme, elle est maire d’une grande ville, elle a montré sa capacité de résistance et n’a pas besoin de trépigner sur les tréteaux pour dire qu’elle est de gauche.» Autant d’atours qui suffisent à faire battre les cœurs fabiusiens.

Mais certains, jaloux sans doute, n’y croient guère. «Il y a sans doute de l’affection pour Martine Aubry, mais aussi l’idée de trouver un moyen de ne pas se compter au congrès tout en pesant», dit le strauss-kahnien Pierre Moscovici. Après avoir, depuis le référendum, cherché à déborder leurs camarades sur l’aile gauche, au point de s’en trouver cornérisés, les amis de Fabius, en soutenant Aubry, chercheraient-ils à se replacer au centre du jeu? «Leur problème, c’est qu’ils sont les pestiférés du PS, résume un proche d’Aubry. Ils ont très vite compris l’intérêt de coller à la personnalité de Martine, et ils l’ont fait. Même un peu too much…»

Tenaille. C’est qu’en politique, c’est un peu comme en amour: il n’y a que des preuves. Et en la matière, les amis de Laurent Fabius ne se sont pas économisés. En témoigne le «triomphe pas totalement spontané réservé à Martine par une salle composée à 70 % de fabiusiens», rapporte un participant. Et le lancement, la semaine dernière, d’un appel en faveur d’Aubry, baptisé «une femme, bien sûr», par des élues socialistes. Dont nombre de fabiusiennes. Une scène des plus touchantes illustre ces prévenances: à l’issue du déjeuner qui a réuni, dans un restaurant italien, les reconstructeurs, et alors que les photographes s’avancent pour immortaliser cette nouvelle entente cordiale, un jeu de chaises politiques se met en place, qui voit Claude Bartolone et Laurent Fabius encadrer, pour la photo, Martine Aubry. Laquelle, se sentant quelque peu prise en tenaille, appelle à sa rescousse le strauss-kahnien Jean-Christophe Cambadélis pour qu’il prenne place à sa gauche…

L’affection des fabiusiens prendrait-elle un tour étouffant? «Timeo Danaos et dona ferantes», plaisante un socialiste, en référence à l’Enéide de Virgile et au cheval de Troie : «Je crains les Grecs, surtout quand ils font des cadeaux.» Et de poursuivre : «Je ne crois pas que Laurent Fabius se mette à soutenir Martine Aubry pour 2012. Si j’étais elle, je resterais prudente.» Message reçu: «Martine n’est ni naïve, ni angélique, assure un de ses proches. Elle sait bien que chacun défend ses intérêts de boutique. On n’est pas là à se dire: "Ils vont nous planter." On le gérera au moment où ça arrivera.» Avant de concéder : «C’est vrai que l’avenir est semé d’embûches. On sera très attentifs…»

Passif. D’autant qu’entre les deux anciens ministres de Lionel Jospin, le passif est «extrêmement lourd», qu’énumère volontiers un proche de Ségolène Royal: «Aubry a toujours été totalement et radicalement anti-Fabius: au gouvernement quand il accusait les "dépensolâtres", et évidemment sur la question européenne, quand elle lui a tapé très fort dessus.» Autour de l’ex-premier ministre, on se défend évidemment de songer à mal. Même au cas où la maire de Lille se sentirait pousser des ailes pour 2012. «On prend les matchs les uns après les autres», explique le député Philippe Martin. Claude Bartolone confirme: «Si elle devait s’installer, ça ne nous posera aucun souci.» Mais un élu strauss-kahnien, soucieux de préserver un retour de son propre champion, a déjà anticipé les bénéfices de l’opération: «On n’aura même pas à sortir les armes. Les fabiusiens l’auront déjà flinguée.» Les jeux de l’amour et du traquenard…

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