samedi 20 septembre 2008

Royal bazooka contre Sarkozy, édulcorée par l'AFP

C'est toujours très interessant de voir quels morceaux d'une interview sont repris par les médias, une reprise qui est essentiellement conditionnée par les dépêches d'agence.

Ce matin, Ségolène Royal, invitée de RMC - BFM TV a été particulièrement directe en visant la mollesse et la lâcheté d'un gouvernement Sarkozy qui ignore la situation extrèmement grave des plus démunis et aggrave la situation des classes moyennes.

Mais curieusement la charge de Ségolène Royal, particulièrement musclée et pleine de révolte, a été édulcorée et disparaît de la dépêche diffusée par l'AFP qui ne conserve que les élements les plus bisounours de l'interview ("les bras ballands" de Nicolas Sarkozy). Où sont les mots "mous", "lâches, "lobbys", etc...

Tous disparus.

Mais quoi notre vénérable Agence France Presse voudrait-elle protéger "notre" Président ? Est-il "fragile" à ce point?

Pour que vous puissiez en juger par vous-même, voici donc le verbatim de cette partie de l'interview avec en gras les éléments qui n'ont pas trouvé leur place dans la dépèche AFP pas plus que dans les comptes-rendus publiés ce vendredi matin :

"JJ. Bourdin : Cela vous a fait mal de le voir à la tribune avec Bertrand Delanoë?
S. Royal : je n'ai pas défendu pendant si longtemps, et je ne mets pas en œuvre dans la région que je préside, la démocratie participative, c'est à dire le respect des citoyens, et donc dans le parti socialiste le respect des militants, pour faire le contraire. Donc il y a une cohérence dans mon attitude.

JJ. Bourdin : Alors Ségolène Royal, dernière question, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir été trahie par François Hollande ?
S. Royal : Mais je vous ai dit à l’instant que vous n’aurez de moi aucun commentaire sur les personnes. D’ailleurs, si j’en faisais, si je répondais à votre question, il n’y a que cela qui serait repris de votre émission. Et moi, je ne veux pas de cela. Moi, je veux que l’on parle de …

JJ. Bourdin : Est-ce que cela vous a fait mal, cela vous à fait mal de le voir à la tribune avec Bertrand Delanoë ?
S. Royal : Mais la question n’est pas là ! Ce qui me fait mal, c’est la dégradation de la situation économique dans le pays. C’est de voir des gens qui me disent « attendez, on a un salaire, on a même deux salaires et on arrive pas à se loger ».
Ce qui fait mal c’est de voir la montée du nombre de travailleurs pauvres. Ce qui me fait mal, c’est de découvrir que dans les banques alimentaires, c'est-à-dire les restau du cœur, il y a aujourd’hui 40% de salariés qui vont chercher à manger dans les les restau du cœur.
Ce qui me fait mal, c’est de voir des grandes surfaces, qui n’ont jamais autant gagné d’argent, proposer à la sortie des caisses des crédits, tenez-vous bien, pour pouvoir payez ce qu’il y a dans leur caddie.
Ce qui me fait mal c’est qu’il y a des banques, qui ont gagné plein d’argent, plein de pognon pour dire les choses comme elles sont, avec des traders qui ont gagné plein de bonus, 90 Milliards d’euros, selon l’économiste Daniel Cohen ce matin, et qui se sont répartis des bénéfices et que les moyens et les petits basculent dans le surendettement parce qu’on les matraque quand ils ont un petit découvert bancaire.
Et moi je dis que ce capitalisme financier, là, n’a plus sa place et que la responsabilité des politiques s’ils étaient moins mous, moins lâches, moins pris par les lobbys de toutes sortes auraient la capacité...

JJ. Bourdin : c’est vrai partout cela, à droite comme à gauche ?
S. Royal : c’est vrai partout. Mais regardez en France aujourd’hui, il y a une crise financière et que fait Nicolas Sarkozy ? Rien, il est là, les bras ballants, en train de nous faire des taxes sur les piques-niques. Où on est, là ?
(...) Il nous avait promis une baisse de quatre points de fiscalité pendant la campagne présidentielle, et aujourd'hui, il y a un impôt nouveau qui a été inventé tous les mois (...) Il avait promis une augmentation des petites retraites, aujourd'hui les petits retraités ne font plus qu'un repas par jour (...) C'est pas possible que ça continue, c'est n'importe quoi ! Il y a une espèce d'incohérence, d'inertie, un égoïsme insupportable".

Voici la vidéo de ce passage précis de l'interview:


(Source: BFM TV)

L'AFP édulcore donc ces propos. Pourtant, c'est là que se trouve l'originalité de Ségolène Royal dans le paysage politique français. Elle s'adresse aux Français à tous les Français et en particulier à ceux qui sont le plus en difficulté, en tenant compte de leur situation. Elle est, comme elle l'écrit dans sa future motion pour le congrès du PS, d'une lucidité radicale:
Quand des millions de citoyens sont mis à la rue, ont faim et doivent survivre, elle n'hésite pas à mettre les points sur les i !

Ce style et ces intentions sont assez différents, même à gauche, comme le soulignait la question de Jean-Claude Bourdin.

Regardez bien l'interview de Lionel Jospin qui suit et vous comprendrez pourquoi il a perdu en 2002 :
un discours lisse, technique, très éloigné des préoccupations des citoyens, chiant pour dire les choses comme elles sont. Et donc finalement pas vraiment respectueux des citoyens. A propos de la situation économique et de la crise financière, voici ce que déclare notre ancien premier ministre :
"L'origine de la crise financière se trouve dans "l'incroyable fossé qui s'est creusé entre la sphère financière et l'économie réelle". "Il y a eu des crises au cours des 15 dernières années mais elles étaient à la périphérie du système, en Argentine, en Russie, en Asie, elles sont maintenant au coeur du système aux Etats-Unis et par ricochet en Europe", a-t-il même souligné sur France Inter, ce vendredi matin.


(Source: France Inter)

L'incroyable fossé dont parle Lionel Jospin (Au secours...), c'est celui que creuse une grande partie de la classe politique et qui la sépare d'une grande majorité des Français.

C'est sans doute pour cela que la motion portée par Ségolène Royal pour le congrès du PS, s'intitulera: "Pour une Révolution Démocratique".


Source :le Post

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