mardi 13 novembre 2007

Ségolène est de retour !

CEUX QUI, au PS, interprétaient sa faible présence dans les media et son absence aux réunions hebdomadaires du bureau national du parti comme "la fermeture de la parenthèse Ségolène", vont déchanter. L’ex-candidate à la présidentielle ne renonce à rien. Au contraire. Elle s’est seulement donné le temps de la réflexion, ce qu’elle appelle travailler "les sujets de fond". Que ne l’a-t-elle fait plus tôt, pendant la campagne présidentielle, diront ses détracteurs qui ont dénoncé sa légéreté sur certains dossiers ? C’est oublier que, contrairement à Sarkozy et aussi à DSK ou à Fabius, elle ne se préparait pas depuis des années. Le reconnaîtra-t-elle dans son livre à paraître, en principe, en décembre : elle n’était pas prête. Ses propositions étaient souvent novatrices mais l’ensemble manquait de cohérence. A sa décharge, elle a dû composer avec un projet socialiste qu’elle a trainé comme un boulet. N’empêche, elle a fait évoluer le PS sur plusieurs dossiers importants : la vision des 35 heures, l’insécurité, le travail… et elle entend bien continuer.

Elle a appelé, la première, les socialistes à voter oui au traité européen de Lisbonne alors que la majorité d’entre eux s’abritaient derrière le principe du référendum pour ne pas se prononcer sur le fond. La semaine dernière elle a accusé l’Elysée d’avoir couvert le rachat des Echos par le groupe LVMH et de s’en être réjoui publiquement, alors que ce rachat constitue, à ses yeux, "un danger pour la démocratie". Elle s’est encore rendue dans le cabinet d’un médecin généraliste parisien pour manifester son opposition aux franchises médicales, une mesure qu’elle juge à la fois "injuste et absurde sur le plan sanitaire". Ce matin, sur France Inter, elle s’est posée en opposante résolue face à un président et à un gouvernement qu’elle accuse "d’arrogance et d’archaïsme." Selon elle, Nicolas Sarkozy a sciemment choisi l’affrontement avec les syndicats : " Il se dit que le mouvement de grève est impopulaire, que les régimes spéciaux sont impopulaires, alors on peut y aller." Et elle a appuyé les organisations syndicales qui veulent négocier. Mais fidèle à sa réputation de briseuse de tabous, elle juge aussi nécessaire de donner davantage d'autonomie aux universités et demande aux étudiants de discuter et de ne pas tomber "dans le jusqu’auboutisme". Mais elle met en garde le gouvernement contre une réforme qui ne serait pas accompagnée de moyens financiers : "Lorsque vous donnez l’autonomie sans donner les moyens, vous mettez en place la loi du plus fort." Bref Ségolène critique la philosophie et les méthodes du gouvernement mais elle reste consciente de la nécessité de certaines réformes. Elle est persuadée que seul ce discours responsable peut être entendu par une majorité de Français. C’est toujours et encore sur l’opinion qu’elle compte pour s’imposer à gauche. Sera-t-elle candidate au poste de premier secrétaire du PS ? Elle esquive : "Les Français estiment que les socialistes parlent trop entre eux, donc je ne veux pas tomber là-dedans." Elle travaille, dit-elle, à réformer le mode de fonctionnement de son parti, à l’ouvrir pour créer un mouvement politique de masse rassemblant à gauche des altermondialistes au centre gauche. Rude tâche ! La volonté de Ségolène Royal de s’y attaquer va rassurer ses partisans que son relatif effacement du devant de la scène inquiétait. Mais elle aura beaucoup de mal à vaincre la résistance de tous ceux, chefs de courants du PS et chefs des autres partis de gauche qui vont tous défendre leur pré-carré.

Robert Schneider
conseiller éditorial au Nouvel Observateur
(le lundi 12 novembre 2007)

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