Pouvoir d'achat: la goutte d'eau qui fait déborder le gaz
Par Pascal Riché (Rue89) 18H15 28/12/2007
Le "gouvernement Sarkozy" (ainsi qu'on commence à l'appeler, le Premier ministre s'étant durablement évaporé) n'en menait déjà pas très large lors de la présentation du projet de loi sur le pouvoir d'achat. Après la décision, jeudi, d'autoriser une hausse des tarifs du gaz de 4%, qui frappera 7 millions de foyers à compter du premier janvier, son discours sur le sujet devient inaudible.
Depuis la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy ne parvient pas, sur cette question, à sortir de l'incohérence:
1. Sarkozy le candidat promet d'abord d'être "le président du pouvoir d'achat".
2. A peine élu, Sarkozy le président distribue du pouvoir d'achat, mais aux plus aisés: c'est le bouclier fiscal, la baisse de l'impôt sur les successions, le remboursement des frais de scolarité des enfants d'expatriés, etc.
3. Arrive l'hiver. Il met en route une loi sur le pouvoir d'achat, mais les caisses étant vides, il est contraint de recourir à une usine à gaz qui ne lui coûte rien, à base de "monétisation des RTT", "déblocage de la participation" et de "changement d'indexation des loyers". Il tergiverse au passage sur l'exonération de la redevance télé pour les retraités non imposables (que la majorité entendait initialement supprimer). Les députés recousent comme ils le peuvent le projet, pour le rendre plus présentables sous les lazzis des socialistes, qui jusque là hibernaient, aussi silencieux que François Fillon
4. Malgré des sondages catastrophiques sur la question, Sarkozy autorise l'augmentation de 4% des prix du gaz. Soit une cinquantaine d'euros d’augmentation sur la facture annuelle d’un foyer moyen.
Une décision motivée par les exigences des marchés
Le gouvernement pouvait-il faire autrement? La demande d'augmentation émanait de GDF, dont l'Etat est le principal actionnaire, avec 80% du capital. Le groupe avait demandé une hausse de 6%, sachant qu'il n'en obtiendrait qu'une partie. Une demande assez naturelle, et qui n'a rien d'exorbitant: les tarifs du gaz aux particuliers n'ont pas bougé depuis mai 2006, alors les coûts d'approvisionnement (qui suivent les cours du pétrole) ont explosé. Selon les dirigeants de GDF, sans ajustement, le groupe risquait de connaître des difficultés financières. Par ailleurs, une dégradation des comptes -et la chute des cours de l'action qui s'ensuivrait- menaçait de compromettre la fusion envisagée entre Suez et GDF... La politique des tarifs du gaz se fait aussi "à la corbeille".
La situation de GDF n'est pas catastrophique
Dans ce dilemme, quelle devait être, alors que le pouvoir d'achat est une préoccupation centrale des Français, la priorité de l'Etat? Après tout, la situation de GDF n'est pas encore catastrophique, loin de là. La hausse des cours des hydrocarbures est en partie compensée par la baisse du dollar. Par ailleurs, comme le remarquent les associations de consommateurs, pour importer son gaz, GDF signe des contrats de fourniture de long terme, qui permettent de lisser les variations des prix. Au 1er semestre 2007, ses bénéfices s'élevaient à 1,51 milliard d'euros. Des bénéfices qui avaient augmenté de près de 30% par an en 2005 et 2006. De bons résultats dont les consommateurs n'ont pas vu la couleur.
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