vendredi 21 décembre 2007

A Romans, Royal remet les pieds sur le terrain social

Envoyé spécial à Romans (Drôme) DAVID REVAULT D’ALLONNES
QUOTIDIEN LIBERATION: vendredi 21 décembre 2007

Alors que Nicolas Sarkozy, entre escapade en galante compagnie à Eurodisney et visite au Saint-Siège, s’essaie à donner à voir une présidence de rêve, Ségolène Royal réplique sur le terrain du cauchemar social. Celui des employés du chausseur de luxe Charles Jourdan, à Romans (Drôme), qu’elle visitait hier. Le scénario n’est assurément pas des plus glamours : un PDG incarcéré en Suisse pour une affaire financière, un dernier repreneur potentiel, l’américain Omniscent, qui se retire, un placement en liquidation judiciaire. Et, à l’arrivée, 197 salariés sur le carreau. Une occasion en or pour l’ex-candidate de pousser un coup de gueule contre «le silence, la chape de plomb sur ce qui se passe dans l’économie». Et, du même coup, de fustiger par l’exemple une certaine pratique sarkozyste du pouvoir : «La France souffre dans le silence pendant que le président s’amuse. Il a le droit. Mais il faut qu’il s’occupe des problèmes…»

Pour son premier déplacement d’envergure sur le terrain depuis les législatives - elle a prévu de multiplier ces visites avant les municipales -, Ségolène Royal s’engouffre au milieu des lignes de production à l’arrêt. Où beaucoup ne nourrissent guère plus d’espoirs. Agnès, salariée : «On nous a tellement menés en bateau... Personnellement, j’ai pas envie d’y croire.» Un employé l’interpelle : «Madame Royal, pourquoi vous êtes pas venue avant ?» Et l’intéressée de répliquer, sentimentale : «Quand j’ai vu les lettres de licenciement que les salariés recevront entre Noël et le jour de l’An, j’ai trouvé ça atroce. Ça m’a révoltée.» Pragmatique, Marie, déléguée CGT, mesure l’intérêt de la visite : «Elle nous utilise, mais on l’utilise aussi.» Une mise en pratique du «donnant, donnant», cher à l’ex-candidate ? Ségolène Royal embrasse une salariée qui verse une larme, se renseigne sur les opérations de piquage. Avant d’évoquer, devant le comité d’entreprise, la création d’une coopérative. Sans déchaîner l’enthousiasme : «La société qui détient la marque, en Suisse, va être mise en faillite et la marque vendue aux enchères», soupire Gilles, délégué CGC. Mais peu importe que la politique se heurte ici aux réalités de la mondialisation. L’essentiel est de donner l’image du volontarisme : «Si on dit que c’est pas la peine de se déplacer, il n’y a plus rien à faire.» L’ex-candidate quitte l’entreprise avec deux paires d’escarpins, modèle Noémie, offertes par les salariés. Non sans en remettre une dernière couche : «Le peuple souffre, et pendant ce temps, le roi s’amuse. Il faut que les choses sérieuses commencent.»

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