mercredi 2 janvier 2008

Pourquoi augmenter Sarkozy si Bolloré paie ses vacances

A l'inverse de Montebourg, Ségolène Royal et François Hollande ont touché juste : l'équipée égyptienne du président contredit ses engagements et révèle un président m'as-tu vu.


A propos des vacances égyptiennes du président de la République, combien de réactions inadéquates pour paraître virulentes !
Je ne crois pas une seconde, contrairement à ce qu'ont pu soutenir Arnaud Montebourg et, sur un autre registre, Benoît Hamon, que le risque est de voir Nicolas Sarkozy empêtré dans les liens de service et de dépendance au bénéfice du milliardaire Bolloré. Certes, il y a mille manières d'être l'obligé de quelqu'un mais qui peut penser que l'un et l'autre seraient assez mal avisés pour s'aventurer, même du bout de la morale, dans une telle démarche ? Trop prudents ou trop intègres, je ne sais. En tout cas, placer la polémique sur ce terrain n'a pas de sens et permet à l'opinion de ne pas s'en soucier, tant la charge est perçue actuellement comme absurde.
Mais lorsque l'intelligence s'en mêle, c'est autre chose. On a beau dire, sur ce plan Ségolène Royal et François Hollande demeurent incomparables
Le second a parfaitement ajusté sa cible en dénonçant le mensonge présidentiel. L'augmentation du traitement du président était notamment destinée à lui faciliter le paiement de ses dépenses personnelles. On a constaté ce qu'il en était avec le voyage aux frais de Bolloré ! Une telle contradiction n'est pas dérisoire car elle manifeste le peu de crédit qu'on doit attacher aux engagements présidentiels pour ce qui concerne l'utopie, cyniquement avancée lors de la campagne, d'une République irréprochable.

Ségolène Royal comprend le poids de l'apprence
La première, dont la tenue, dans tous les domaines, est difficilement critiquable, a justement mis en cause les atteintes graves portées à la fonction présidentielle par la vulgarité ostentatoire et les gracieusetés luxueuses offertes à Nicolas Sarkozy. En effet, ce sont la grandeur et la dignité de ce poste éminent qui sont altérées et ce n'est pas rien. Ségolène Royal est peut-être la seule dans le monde politique, toutes tendances confondues, à comprendre, parce qu'elle a, quoi qu'on en dise, rigueur et éducation, l'importance de l'allure, le poids de l'apparence. Il est évident qu'on n'a pas à craindre que Nicolas Sarkozy rembourse Bolloré mais, profondément, le mal est déjà fait. Un président de la République ne saurait oublier qu'il est comptable non seulement de ses actes et de sa politique mais de la manière dont il s'inscrit, lui, dans l'espace public ou même privé, quand ce dernier est volontairement révélé et galvaudé
Etonnant comme cette nécessaire exemplarité non seulement passe au second plan mais n'est même pas invoquée. Cette carence signe subtilement le déclin d'une démocratie. L'intelligence de François Hollande et de Ségolène Royal a pour contrepartie la bêtise de ceux qui viennent défendre le comportement du président. Ils l'accablent en croyant le soutenir. Je pense notamment aux pitoyables répliques de Balkany et de Santini. Aucun des deux n'a même suggéré qu'il puisse y avoir une difficulté au niveau de l'image présidentielle. Lorsque l'amitié, l'inconditionnalité et la pauvreté de l'analyse atteignent de telles proportions, c'est la démonstration éclatante de la faillite d'un système devenu plus monarchique que républicain. Après le roi soleil, un président m'as-tu vu ?

Un président sans aucune tenue
Pourquoi y a-t-il cette répugnance à abonder dans le sens de Ségolène Royal ? Pas seulement, je le crains, à cause des clivages partisans mais en raison de la propension de tous à être si habitués à l'inéluctable dérive et dégradation des attitudes et comportements personnels que personne ne s'en préoccupe plus. Le savoir-vivre est tellement violé qu'il vaut mieux décréter son abolition et son inutilité plutôt que de tenter de l'infléchir dans le bon sens. Les idées succédanées des chagrins, comme l'a écrit Marcel Proust. On a un président qui n'a aucune tenue, sinon intellectuelle. On va sans doute théoriser de plus en plus le fait que c'est une chance pour la France.
Alors qu'une politique sans l'allure de celui qui l'inspire, c'est plus une frustration qu'une satisfaction. Il n'est pas commode d'être écartelé entre celui qui se prétend dans la lignée gaulliste et le personnage de Labiche, entre l'agitateur intellectuel, l'homme à tout faire et le rouleur de mécaniques.
Il est vain de conseiller le président sur ce plan. C'est sans doute la seule faille dans son agilité mentale et l'alacrité de son esprit. Plutôt que de ne pas renouveler l'épisode Bolloré et d'analyser les critiques, il fait l'inverse. Et c'est l'Egypte et c'est le pied de nez qu'il adresse aux donneurs de leçons légitimes.
Mais s'il gagne un temps, s'il s'amuse bien une seconde, c'est la France qu'il ridiculise.
Jusqu'en 2012, la France c'est lui !

Mercredi 02 Janvier 2008 - 00:04
Frédéric Moreau marianne

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