samedi 9 février 2008

Avis de casse-tête à l’Elysée

Annonces contradictoires, plan banlieue qui tombe à plat, plainte contre la presse. Le Président perd son sang-froid.
ANTOINE GUIRAL
QUOTIDIEN : samedi 9 février 2008

Ce devait être un temps fort du quinquennat. Un grand plan, un discours mobilisateur, pour enfin permettre à Nicolas Sarkozy de renouer avec la banlieue. Raté. Vendredi, à l’Elysée, où il présentait son plan pour les quartiers en difficulté devant un millier d’invités, le chef de l’Etat est apparu comme absent. Lui, l’orateur capable d’habiter ses propos quand il est en forme, a expédié son sujet en multipliant les coupes dans son discours.

Vent de révolte. Sans souffle, il a récité son texte en le ponctuant de sentences moralisatrices («Il va falloir se lever tôt») ou de lapsus («exclusion» au lieu «d’excision»), quitte à laisser son auditoire sur sa faim (lire page 4). Fait très rare à l’Elysée, le président de la République, avant d’entamer son discours, a demandé à ses ministres de monter avec lui sur l’estrade de la grande salle des fêtes. Une manière de ne pas apparaître isolé, mais sans doute aussi l’amorce d’un changement de style. Alors que la grogne dans la majorité et au sein du gouvernement provoque chaque jour son lot de psychodrames, Nicolas Sarkozy veut la jouer moins perso et valoriser ses ministres.

Il n’empêche, le train de mesures annoncées vendredi va encore exaspérer tous ceux qui, à droite, jugent trop brouillonne l’action du chef de l’Etat. Ce nouveau plan risque en effet d’apparaître comme une réforme de plus dont les résultats concrets vont eux aussi se faire attendre. Le rapport Attali est à peine déposé sur le bureau présidentiel que l’on passe déjà au sujet suivant. Plusieurs ténors de la majorité, tel Jean-Pierre Raffarin vendredi dans Libération, lui demandent de «mieux hiérarchiser l’action gouvernementale». Derrière ces paroles à peine veloutées, c’est la méthode Sarkozy et la manière de conduire les affaires de l’Etat qui sont ouvertement mises en cause. Quant au vent de révolte des députés contre les annonces des conseillers élyséens, il a reçu le renfort de ministres, comme le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet.

«Sanglant». Depuis sa prise de fonction, le Président justifie cette juxtaposition de réformes. Au nom de «l’urgence», il a réaffirmé lors de ses vœux la nécessité de les lancer toutes en même temps. Le problème est que sur sa principale promesse de campagne - le pouvoir d’achat - il a pour l’heure échoué. Les crispations et la bataille politique sur ce sujet ont fini par atteindre celui qui se pensait inoxydable dans l’opinion publique. Contrairement aux déclarations officielles, son dévissage vertigineux dans les sondages a provoqué un vent de panique à l’Elysée. «Irrespirable… Tout le monde a la trouille de s’en prendre plein la tête. Si les municipales sont mauvaises, ça va être sanglant», confiait vendredi un conseiller.

Pour se donner un peu d’air et éviter un procès de ses amis au lendemain des municipales, Nicolas Sarkozy a donné cette semaine des gages à deux professions vecteurs d’opinion (et par ailleurs très majoritairement acquises à la droite) : les chauffeurs de taxis et les buralistes. Un rétropédalage qui révèle avant tout un homme fragilisé.


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