vendredi 14 mars 2008

Les Tibétains refusent l’étau sino-indien


A l’approche des Jeux olympiques de Pékin, les manifestations se multiplient pour protester contre l’occupation chinoise.
GÉRARD THOMAS et PIERRE PRAKASH (à New Delhi)
QUOTIDIEN LIBERATION: vendredi 14 mars 2008

Au moment même où les Etats-unis, dans un rapport publié mardi par le département d’Etat, retiraient la Chine de la liste des «pires violateurs systématiques des droits de l’homme dans le monde», Pékin n’hésitait pas à réprimer durement mercredi, pour la seconde journée consécutive, une manifestation de moines tibétains à Lhassa, la capitale de leur pays. Dans un communiqué publié sur son site Internet, l’association Campagne internationale pour le Tibet - qui prône une résolution politique du problème tibétain sur la base d’un dialogue entre le dalaï-lama et la Chine - a affirmé qu’il s’agissait des plus importantes manifestations depuis celles de 1989, à l’issue desquelles la Chine avait imposé la loi martiale à la capitale tibétaine.

Violations. La nouvelle mobilisation fait suite au discours musclé prononcé lundi par le dalaï-lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains, à l’occasion du 49e anniversaire de son exil forcé en Inde. Le prix Nobel de la paix 1989 s’est notamment insurgé depuis sa résidence de Dharamsala (dans le nord de l’Inde) contre les violations des droits de l’homme commises par la Chine au Tibet. La police chinoise, inquiète du retentissement international de la mobilisation à cinq mois de l’ouverture des Jeux olympiques qui se tiendront en août à Pékin n’a pas hésité à faire usage de gaz lacrymogènes contre les moines, en arrêtant même une soixantaine selon Radio Free Asia (RFA).

«Les autorités compétentes ont réglé l’affaire selon la loi», a expliqué un porte-parole chinois tout en réaffirmant la volonté de Pékin de réprimer toute activité «séparatiste» et en soulignant qu’aucun pays dans le monde n’avait reconnu l’indépendance du Tibet.

En Inde, une centaine de Tibétains en exil qui voulaient rejoindre la frontière chinoise à pied afin de protester contre la répression ont été bloqués par les autorités locales. Moins de trois jours après leur départ de Dharamsala, siège du «gouvernement tibétain en exil», les marcheurs ont en effet été arrêtés, tôt hier matin, et renvoyés manu militari au commissariat de Dharamsala. Venus de toute l’Inde, les moines, nonnes et civils interpellés ont entamé une grève de la faim de 24 heures. «Nous sommes extrêmement déçus, réagit Tzewang Rigzin, membre du comité d’organisation. C’est une marche non violente, qui s’appuie sur les principes gandhiens que l’Inde a utilisés pour obtenir sa propre indépendance. Il n’y avait aucune raison de l’arrêter.»

Voisin.Alléchés par le potentiel économique et commercial que libéreraient des relations de bon voisinage, Pékin et New Delhi sont depuis quelques années en train d’opérer un rapprochement, notamment en mettant un terme aux différends frontaliers qui empoisonnent leurs relations depuis la guerre sino-indienne de 1962. Résultat : New Delhi reconnaît désormais officiellement la souveraineté chinoise sur le Tibet et s’est engagé à ne plus tolérer les activités «antichinoises» sur son territoire. Une manière d’apaiser Pékin, furieux que son voisin héberge le dalaï-lama depuis 1959.

A l’approche des Jeux olympiques, les quelque 100 000 Tibétains qui vivent en Inde semblent cependant déterminés à multiplier les protestations. Des «Jeux olympiques tibétains» doivent ainsi être organisés à Dharamsala, et les marcheurs arrêtés hier ont juré de reprendre leur périple dès qu’ils seront libérés.

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