mardi 20 mai 2008

Vu de Suisse

19.05.2008

Ségolène et les éléphanteaux



Édito Lausanne FM – Lundi 19.05.08 – 07.50h


On aime ou non Ségolène Royal, mais il faut bien avouer que l'ancienne candidate à la présidentielle française ne manque pas d'une certaine suite dans les idées. N'avait-on pas maintes fois, comme pour Pascal Sevran, annoncé sa mort : la voilà, toujours, qui resurgit. Et qui vient d'afficher ses ambitions : devenir première secrétaire du PS.

Sur le poste convoité, elle a raison : le seul moyen d'accéder au plus haut niveau, en France, c'est de diriger l'un des grands appareils politiques, à gauche comme à droite. François Mitterrand ravissant à la vieille SFIO, celle des Mollet et des Savary, au congrès d'Epinay, en 1971, le parti socialiste. Jacques Chirac prenant à la hussarde l'UDR aux barons décatis du gaullisme, en 1976, avant d'en faire sa chose, sous le nom de RPR. Nicolas Sarkozy prenant le contrôle de l'UMP, comme tremplin présidentiel.

L'objectif est juste, et Ségolène Royal a d'autant plus raison de le viser qu'elle est, à l'interne, détestée de tous. En politique, c'est un avantage précieux : être haï de ses pairs, avoir face à soi ces éléphanteaux qui ne demandent qu'à vous piétiner, voilà qui permet de les attaquer de front sans états d'âme. En politique, l'ennemi est toujours dans le camp, dans la famille, c'est un peu l'univers de Mauriac, avec ces haines intestines, rentrées, dans la bourgeoisie bordelaise d'avant-guerre.

Nœud de vipères, d'autant que l'un des éléphanteaux n'est autre que son ancien compagnon, père de ses quatre enfants. Visage d'apothicaire, le Monsieur Homais du paysage politique français, mais esprit très vif lorsqu'il s'agit de trouver les armes pour conserver sa boutique. Diable, de Mauriac nous serions passés à Flaubert, mais toujours la puissance de cette Province, ici girondine, là normande, ou encore poitevine pour Ségolène, et là aussi c'est un avantage : cette candidate de 2007, moins bonne que Sarkozy sur le fond, avait sur lui l'avantage de ressembler à la France. Cette fois-là, ça n'avait pas suffi. Mais demain, après-demain ?

Il ne faut pas sous-estimer Ségolène Royal. Contre le cuir et la masse des éléphanteaux qui se ressemblent et peut-être s'annulent, en voilà une qui s'affiche et qui existe. Oh, je ne prétends pas qu'elle ait l'envergure, ni le génie politique, de refaire le coup d'Epinay (en 1971, François Mitterrand était un solitaire, face à l'appareil), mais elle a raison de se lancer dans ce combat. Contre le maire de Paris, je ne suis pas sûr du tout qu'elle parte nécessairement perdante.

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