jeudi 28 juin 2007

Réponse à Laurent Fabius

Laurent Fabius sonne la charge contre Ségolène Royal. Dans un entretien au Monde, il donne sa vision des choses. J'ajoute la mienne...

Le Monde: Pensez-vous, comme une partie de vos amis au PS, que l'élection présidentielle était "imperdable" ?

Fabius: Rien n'est jamais gagné à l'avance, mais je crois, oui, que la victoire était possible. M. Sarkozy a été élu en définitive sur un critère décisif : il a été jugé plus capable de présider le pays que Ségolène Royal. Nous avions de solides atouts. Quand notre candidate a été désignée par les militants, elle remportait jusqu'à 55 % des suffrages dans les sondages et ceux-ci ont d'ailleurs pesé lourd dans sa désignation. Il est malheureux qu'à l'issue de la campagne, le score soit tombé à 47 %.

Benoît: Laurent Fabius oublie qu'il a été jugé par les militants un atout plutôt faible dans la victoire de la gauche puisqu'il est arrivé bon troisième lors de la désignation interne.

Il a donc été jugé encore moins capable que Ségolène Royal.

Fabius:Il faut expliquer cet échec, non le nier. Car, d'une part, le bilan du gouvernement sortant était jugé médiocre et le candidat de droite en était le pivot; d'autre part, le moment était favorable à la gauche, si l'on en juge par les mobilisations sociales puissantes de la période et les thèmes prioritaires dans la population – emploi, école, logement, santé, environnement. Enfin, le précédent de 2002 garantissait un vote utile en faveur du PS.

Benoît: Le vote utile a été une erreur stratégique: il a étouffé les "petits" candidats de gauche et a permis à Bayrou de récupérer les voix de ceux qui se seraient peut-être retrouvés dans ces candidats.
Résultat des courses le total des voix de gauche était de 38% au pemier tour. Fabius pouvait-il gagner avec ces mêmes 38%?

Fabius: Finalement, seul ce dernier aspect a joué. Un triple déficit est apparu : présidentialité, crédibilité, collégialité. On ne gagne pas une élection présidentielle en demandant à chacun ce qu'il ou elle veut, mais en proposant une vision, un dessein capables de faire progresser la France et les Français, tout en convainquant qu'on est soi-même capable de les conduire.

Benoît: Evidemment, Fabius critique les débats participatifs organisés pendant la campagne.
Vouloir donner la parole au citoyen, à un autre moment que le jour de l'élection, lui déplaît. Cela lui enlève peut-être un petit peu de ses prérogatives, de temps de parole... allez savoir.
N'empêche que 6 000 débats ont été organisés, que des millions de personnes y ont participé et que les partisans de Fabius traînaient la patte depuis un moment, on l'avait remarqué!


Le Monde: Mme Royal estime ne pas avoir été soutenue dans son propre parti…

Fabius: Notre candidate a plutôt choisi de tenir à l'écart les principaux responsables socialistes. Ce fut sa décision. Pour ma part, j'étais totalement disponible et je le lui ai dit. Je suis préoccupé par l'atmosphère délétère qui règne parmi les dirigeants socialistes. Les électrices et les électeurs, les militants, en sont furieux, et je les comprends.

Pour ma part, je continuerai à me tenir à l'écart des déclarations quotidiennes contradictoires des uns et des autres. Je serai un sage actif.

Benoît: juste pour mémoire: la photo du premier rang lors de l'investiture de la candidate socialiste, à la mutualité...

...des têtes qui en disent long!


Le Monde: Qu'est-ce qu'un sage actif ?

Fabius: Le pays et la gauche ont besoin de responsables qui essaient de proposer des réponses aux grandes questions du monde, de l'Europe et de la France, sans être broyés par les papillonnages du quotidien ou la passion du marketing. J'ai la chance d'être en forme, de posséder une assez forte expérience, de me trouver à l'écoute de la population, comme l'a montré notamment la campagne législative. Je veux faire profiter de tout cela, en jouant collectif.

Benoît: Fabius a-t-il joué collectif lors du référendum sur l'Europe?
N'a-t-il pas sciemment fait campagne pour le non alors que les militants PS avaient opté pour le oui?

Le Monde: Vous avez été le parrain de la proposition du smic à 1500 euros critiquée par Mme Royal. Le mot d'ordre "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas été plus efficace ?

Fabius: Ce dernier slogan ne correspond à aucune réalité concrète, mais, faute d'avoir été démonté par la gauche, il a joué un rôle sensible dans l'élection. Si j'avais eu fortement la parole, peut-être aurais-je pu, avec d'autres, contribuer à sa démystification. Après tout, j'ai débusqué l'affaire de la TVA antisociale en quelques minutes, un dimanche soir à la télévision, et cela n'a pas été inutile, paraît-il, pour l'élection de plusieurs dizaines de députés de gauche !

Mais allons plus au fond : ce genre de déclarations sur le smic pose deux problèmes. D'abord, faut-il donner un coup de pouce aux bas salaires ? La droite répond non, la gauche répond oui, pour des raisons à la fois de justice sociale et de soutien à l'activité économique.

Se pose une deuxième question, celle de la sincérité en politique. On peut être partisan ou adversaire de l'augmentation du smic, mais si on affirme lors d'une élection être favorable à son augmentation, et qu'on déclare ensuite qu'on n'y croyait pas, cela devient un problème de nature quasi éthique et suscite un doute sur l'ensemble des propositions qu'on défend.

Benoît: Quiconque a fait campagne sur le terrain sait que la proposition du SMIC à 1500€ a été très dure à défendre:
1500€ d'ici 5ans: on y arrive mécaniquement.
c'est 1500€ net?
que deviennent les revenus légèrement supérieurs au SMIC?
Combien de fois avons nous dû répondre à ces interrogations.Lorsque une mesure est mal préparée, elle n'est pas crédible!

La TVA sociale: est-ce jouer collectif que de se targuer sans cesse d'en être le principal détracteur?
J'ai, à disposition, un document daté d'entre les deux tours de la présidentielle où l'augmentation de la TVA est mise en avant.
Il est signé des responsables Haut-Saônois du comité de campagne.

Le Monde: Vous prôniez une opposition frontale. Que pensez-vous du "shadow cabinet" proposé par Jean-Marc Ayrault ?

Fabius: Je l'observerai avec intérêt. La tradition n'est-elle pas que son président soit le premier ministre alternatif ? Est-ce cela qu'on a voulu suggérer ? Ce serait, pour le coup, une novation dont il ne serait pas inutile de discuter avant d'en décider.

Benoît: Evidemment, dès qu'une initiative peut faire avancer les choses, on la réprouve.
Dès que l'on peut diviser, on divise!

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